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  • Photo du rédacteurAlexandra Campeau

Post-Cendrillon

À 22 ans, je me sens trop vieille pour vivre chez mes parents, mais mes parents me trouvent trop jeune pour m'inquiéter de mon avenir et de mes études. Avant de virer complètement folle et sur les pilules comme ma mère, je suis mieux de partir en appartement même si c’est moins luxueux et essayer de me débrouiller toute seule.


À 23 ans, je vais arrêter de me fier à mes parents pour arrondir mes fins de mois et lâcher un cours de mon bac en commercialisation de la mode pour travailler plus ou me trouver un sugar daddy pour remplacer mon père.


À 24 ans, je vais me chercher une vraie job payante que j’aime ou un amant payant que j’aime, tout en sachant que la job en mode est aussi rare qu’une vraie Vuitton, dans le quartier chinois. Disons que ma décision va être facile.


À 25 ans, mon corps va commencer à changer et à engraisser juste à regarder mon assiette. Je vais devoir m’abonner à Weight Watchers, aller au yoga chaud six fois par semaine pour suer mon surplus de gras et me peser tous les matins pour être sûre que mon cul n’a pas accumulé ma salade demi-vinaigrette de la veille.



À 26 ans, je vais avoir mon premier cheveu blanc et un début de pattes d’oie. Je vais évaluer les chirurgies plastiques des femmes mariées dans mon entourage. Celle qui ne va avoir aucun pli au front, les lèvres juste assez gonflées, les joues juste assez remontées, les seins juste assez fermes et les fesses juste assez rebondies va me donner les coordonnées de son chirurgien. Je vais prendre rendez-vous et demander la même chose qu’elle pour être sûre de ne pas me réveiller un matin avec les seins aux genoux et les valises dans l’entrée.


À 28 ans, je vais me marier. Un mariage de princesse, la robe blanche parfaite entre le style hyménée et escorte de luxe, avoir 270 invité.e.s dont nos plus proches intimes et mon cher chirurgien sans qui rien n'aurait été possible. Les femmes des amis de mon mari vont être mes bridesmaids, parce que l’amitié entre femmes est trop risquée, trop sournoise et les bonnes alliances sont toujours plus profitables.


À 29 ans, je vais avoir mon premier enfant, un garçon de préférence qu’on va appeler comme son père. Je vais être la parfaite milf, entre crossfit et allaitement, entre yoga-bébé et fellation, mon époux va être le plus envié.


À 30 ans, je vais être vieille, mais mon avenir sera assuré. Je vais croiser une fille avec qui je faisais le bac, elle va être diplômée, travailler à temps plein dans son domaine, être célibataire et grosse et elle va vivre dans un 3 ½. Pour la première fois depuis longtemps, je ne vais pas voir d'envie dans ses yeux, mais de la bienveillance. Une émotion qui a un arrière-goût de pitié et qui me pue au nez. Avec ma Vuitton et Junior qui va faire sa première dent de lait, je vais la regarder de haut et je vais prendre subtilement un ativan. Je vais avoir la vie dont toutes les petites filles ont rêvé. Je ne vais plus avoir à me soucier de mon mari qu'en apparence. Il va me tromper avec les femmes de ses amies et moi avec ses amis, le jardinier, son père et ses associés. Nous allons vivre le parfait bonheur.


Fin


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