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  • Photo du rédacteurAlexandra Campeau

SEVRÉE


18 ans, le printemps, fin du cégep. Nouvellement célibataire. Enfin, réussi à conclure la relation in and out avec mon chum du secondaire. Toi et moi, on flirtait depuis deux ans, sans jamais être libre en même temps. Une première. Tu avais appris la nouvelle et tu t’étais mis à prétendre qu’on sortait ensemble. J’ai embarqué. La classe nous croyait à moitié, mais on se trouvait drôle. On se tenait par la main dans les corridors, tu faisais des Photoshop de nous entourés de chats et de coeurs, tu les publiais sur Facebook et écrivais Mignon <3 ou Ma cousine 4ever. Depuis notre première rencontre, on disait à tout le monde qu’on était parent, on se ressemblait presque trop, comme si tu étais mon alter ego masculin.



Je suis allée chez toi, on regardait des photos sur ton iPad, il y en avait une de moi au party 2000 déguisée en Spice Girl. Tu m’as avoué que tu te crossais en la regardant, même quand tu sortais avec ton ex. Tu m’as dit je veux que tu sois ma blonde, je veux te chérir. Me chérir, on m’avait jamais dit ça avant. Tu es charismatique, tu mets le doigt sur les faiblesses et tu charmes. On s’est emboîtés comme un casse-tête sur Your Song d’Ellie Goulding, notre tune.


Depuis ta rupture, entre un joint et une bière, tu prenais des antidépresseurs. Tu disais que ton ex t’avait rendu fou. Ta psy t'a dit que tu avais un trouble de la personnalité narcissique. Tu l'as envoyé chier et tu as arrêté tes pilules d’un coup.


Les deux, on n’avait rien devant. On rêvait de l’Europe en sac à dos. Ton père est agent de voyage. Deux billets pour Paris, le 19 septembre. 500$ chaque. Aller simple. Tu ne voulais pas de date de retour. Être libre. Tu voulais camper. Je déteste le camping. On allait au Sail deux, trois fois par semaine. Tente, brûleur, matelas, oreiller et sleeping bag miniature. Je te disais que je ne pouvais pas traîner plus de 21 livres sur mon dos. Je me pratiquais tous les jours. Tu disais qu'on séparerait le poids également, peu importe. On n’avait pas d’itinéraire. Tu voulais l’aventure.



Tu avais laissé ton appart pour retourner chez tes parents, à Saint-Jean, pendant l’été. Je travaillais dans un camp de jour à Laval, partais te rejoindre le vendredi à 16h. Je revenais le dimanche soir ou le lundi matin selon notre consommation de la veille. Tu ne venais pas à Laval, c’était trop loin, trop cher en bus. Tu préférais économiser.


Mes parents avaient prévu me reconduire à l'aéroport et prendre un verre avec nous avant notre départ. Tu ne voulais pas. Tu disais que c'était entre nous. Que mon père était contrôlant, trop protecteur. Que ma relation avec lui était malsaine. Tu disais ça aussi de mes ami.e.s du cégep et du camp. Que c'était une job de merde, que je devrais la lâcher.


Faire le party. Baiser. Monter Bromont. Fumer un joint. Pique-niquer au parc Alcide-Marcoux. Fourrer. Faire des plombs. Jouir. Te regarder servir des clients au Dorchester. Rentrer à vélo saouls à la fin de ton chiffre. Avoir trop envie de pisser. S’arrêter devant le cimetière. Aller saluer ton grand-père, me dire qu’il est d’accord, pisser en duo sur sa tombe.



On baisait tous les jours. Le casse-tête qui s'emboite dans toutes les positions. Une fois, contre le mur, tu m’as pris par la gorge. Tu es venu. Tu n’avais jamais fait ça. Je t'ai demandé pourquoi, tu m'as trouvé gossante.


Souvent, on marchait jusqu'au dep en fumant un joint. Quand on arrivait, c'était le paradis. Maynards, Pepito, chips. Toi, deux grosses bières et un paquet de clopes. Tu oubliais ton portefeuille. J'avais plus d'argent que toi. Tu me disais que j'étais gratteuse. Je payais pour toi, chaque fois. Je t’ai dit, je ne comprends pas, tu as dit que tu allais me chérir. Tu m’as répondu, ostie que tu es naïve, je voulais juste te fourrer.


Je voulais aller à la fête d’une amie à la Roquette. Tu ne voulais rien savoir de descendre à Montréal. Ton meilleur ami, t’a proposé d’aller passer la soirée dans son appart à Westmount. Tu as accepté pour nous deux, sans me demander. En soupant, je l’ai convaincu de te proposer de sortir. Tu as dit oui, sans me demander. On est allé les trois à la Roquette. Il y avait une drôle d’ambiance. On s’est saoulé. On a dansé. On a fumé. En rentrant chez ton ami, on s’est couché, j’ai voulu te coller, je t’ai dit que la fêtée n’avait pas l’air contente de me voir. Tu m’as dit que anyway, elle ne m’avait jamais aimée, qu’elle me trouvait fatigante en esti et tu m’as poussée à bout de bras. Tu t’es endormi, pas moi. Le lendemain, en voulant t’en parler, tu m’as dit que tu étais défoncé, que j’exagérais comme d’habitude, que j’étais susceptible.



On est retourné chez toi, tu as été le plus fin du monde. Doux. En se couchant, je voulais faire l’amour, tu ne voulais pas. Je voulais juste te coller. Tu m’as dit ostie que tu es dure à aimer, tu m’as poussé à bout de bras. Tu as dormi, pas moi.


Le lendemain, je me suis levée sans rien dire, je suis montée prendre une douche. La porte ne se barrait pas, tu es rentré sans rien dire. Tu es venu me rejoindre, tu m'as pris par la gorge. Tu m'as fourrée contre le mur de la douche. Tu es venu, tu es sorti de la salle de bain sans rien dire.


On faisait un party de départ, dans la cour, chez ton père. On avait bu et fumé. Le pot me faisait plus très bien. Je badtripais, je perdais mon filtre, je pouvais plus me mentir. Comment je pouvais partir à l'autre bout du monde, sans billet de retour, avec toi. Ce soir-là, tu t'es excusé de tes crises concernant nos sacs à dos, tu m'as dit que tu allais porter la tente et même une de mes robes pour m'enlever du poids. Tu m'as rassurée.


La veille de notre départ, ma mère m'a emmenée au spa, pédicure, massage, tout le kit. À la fin de la journée, j'avais 7 appels manqués et 12 textos. Réponds câlisse. Tu étais en tabarnak, tu venais de te rendre compte que la tente, le brûleur et tout le kit ne rentraient pas dans ton sac, que c'était trop lourd. Tu ne t'étais pas pratiqué une fois. Tu m'as dit que rendu à Paris, on allait vider nos sacs et que tu allais choisir ce qu'on allait mettre dans chacun. Rendue chez moi, je t'ai répondu que mon sac était fait depuis une semaine et que c'était physiquement impossible de porter plus, que j'avais jamais été d'accord pour la tente, que tu voulais faire du camping pour économiser, tandis que moi j'en avais pas besoin. J'étais assise dehors, sur la balançoire, avec mes parents. On fêtait notre dernière soirée ensemble. Tu m'as répondu fuck you. J'ai donné mon cell à ma mère. Mes parents ont lu tes textos des derniers jours. Je leur ai dit que je ne partirais pas. Je t’ai texté que c’était fini toi, moi, le voyage. Pars sans moi.


Au milieu de la nuit, tu m'as appelé en pleurant, t'excusant, me suppliant. Je t'ai dit de venir chez moi le lendemain, pour faire nos valises ensemble. Tu m'as dit que j'étais une crisse de conne, que tu n’irais pas jusqu'à Laval pour ça.


J'ai regardé l'heure toute la journée en attendant que l'avion décolle sans moi. Tu as raconté ta version à tous nos ami.e.s, tu es charmant, tu sais convaincre. Personne n’a pris de mes nouvelles. Je suis folle. Sûrement autant que ton ex.


Tu es revenu deux mois plus tard. On s'est croisé à la Roquette. Tu m'as dit que tu étais retourné en appart, que tu avais une nouvelle blonde. Qu'elle habitait loin, mais que tu faisais la route pour elle. Que c’était le karma. Tu as déplacé une mèche de mes cheveux derrière mon oreille en chuchotant que pour moi, tu la tromperais. Fuck you. Je t’ai souri par pitié, je suis partie sans me retourner. Tu as tué ma naïveté, mais tu m’as pas achevée. Tu peux continuer de te crosser en pensant à moi. C’était juste une illusion. Je suis fucking black Swan.


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